L'an dix de l'Hégire commença avec l'arrivée de nouveaux ambassadeurs. Diverses
tribus de la c6te du Yémen, de Hadhramawt, et de la côte du Sud, envoyèrent des
délégations pour signifier leur soumission au Prophète et leur adhésion à sa
Foi.
Deux chefs de Banî Kindah, de Hadhramawt, en l'occurrence Al-Ach`ath et Walid
offrirent leur propre allégeance et embrassèrent l'Islam. Ce même Ach`ath
rejoindra plus tard la rébellion qui éclatera après la mort du Prophète, et
résistera avec acharnement à l'adversaire qui aura finalement besoin de
renforts.
Il finira toutefois par être fait prisonnier, non sans difficulté, et envoyé au
Calife, Abû Bakr, lequel lui pardonner malgré les protestations de `Omar - après
qu'il lui aura renouvelé son allégeance, et lui offrira sa sœur, Um Farwah en
mariage. Par la suite il deviendra Khârijite en se rebellant contre Ali. Ses
fils, Mohammad et Ishâq, se feront remarquer dans l'armée que Yazîd enverra à
Karbala' pour perpétrer le massacre de al-Husayn Ibn Ali.
Les Fonctions Missionnaires d'Ali au Yémen
Au mois de Rabî` II, de l'an dix de l'Hégire, Khalid B. Walid fut envoyé par Le
Prophète (Pslf) pour propager l'Islam parmi le peuple du Yémen. Mais au lieu de
rapports de satisfaction à propos de son séjour de six mois dans ce pays, des
plaintes contre lui parvinrent en grand nombre à Médine.
Le Prophète (Pslf) demanda alors à Ali (Psl) de partir avec trois cents hommes
pour remplacer Khalid. Le jeune héros exprima modestement ses réserves sur cette
mission auprès de gens beaucoup plus âgés que lui et plus versés dans
l'Ecriture.
Le Prophète (Pslf) mit alors sa
main sur la poitrine d'Ali (Psl), leva les yeux vers le ciel et pria : " Dieu
! Délie la langue d'Ali (Psl) et guide son cœur ".
Puis il donna pour la guidance d'Ali, (Psl) en tant que juge, cette règle : "
Lorsque deux parties se présentent devant toi, ne prononce jamais un jugement en
faveur de l'un sans avoir tout d'abord entendu l'autre ".
Ensuite, arrangeant avec ses mains
la coiffure d'Ali (Psl) et lui remettant en mains propres l'Etendard de la Foi,
Le Prophète (Pslf) lui fit ses adieux.
Ali (Psl) partit donc pour le Yémen où il lut la lettre du Prophète aux gens,
fit des sermons selon la dictée du Prophète et prêcha les doctrines de l'Islam
aux masses. Le résultat fut un grand succès : en un jour toute la tribu de
Hamadânî embrassa l'Islam.
Ali (Psl) fit un rapport sur le
succès de sa mission au Prophète, lequel, dès la réception de cette grande
nouvelle, se prosterna, le front contre le sol, par révérence pour Dieu et Lui
exprima sa gratitude.
D'autres tribus suivirent, l'une après l'autre, l'exemple des Hamadânî. Certains
chefs firent hommage et prêtèrent serment d'allégeance pour leurs sujets. Ali
(Psl) faisait quotidiennement un rapport sur les progrès de sa mission.
Puis, sur ordre du Prophète, il
partit pour Najran, y collecta les impôts dus et se dirigea ensuite vers la
Mecque pour rejoindre Le Prophète (Pslf) dans son dernier Pèlerinage, au mois de
Thul Hijja l0 A.H.
Pour accomplir leur vœu, quelque deux cents personnes de Yémen arrivèrent à
Médine, au début de l'an 11 de l'Hégire, (l'année commence au mois de Muharram)
pour présenter personnellement leur allégeance au Prophète et ce fut la dernière
délégation reçue par lui.
Le Pèlerinage d'Adieu du Prophète
Etant donné que la période du Pèlerinage annuel s'approchait, Le Prophète (Pslf)
commença à faire les préparatifs en vue de son Pèlerinage à la Mecque. Il invita
les gens de toutes les régions de la Péninsule à se joindre à lui afin qu'ils se
familiarisent avec l'accomplissement correct des différents rites ayant trait
aux cérémonies sacrées.
Depuis son émigration à Médine, ce serait le premier et le dernier Hajj
(Pèlerinage à la Mecque) du Prophète (saw). Cinq jours avant le début du mois de
Thul Hijja, le mois du Pèlerinage, Le Prophète (Pslf) se dirigea vers la Mecque,
suivi de plus de cent mille pèlerins.
Toutes ses femmes, ainsi que sa
fille bien-aimée, Fatima (Psl), la femme d'Ali (Psl), l'accompagnèrent. Au cours
de ce voyage, Abû Bakr eut un fils de sa femme Asmâ' Bint Wahab. Il fut appelé
Mohammad (saw).
Le Prophète (Pslf) arriva à la Mecque le dimanche 4 Thul Hijja de l'an 10 A.H.
Tout de suite après son arrivée,
Ali, qui revenait du Yémen à la tête de ses hommes, rejoignit Le Prophète
(Pslf), lequel sembla très heureux de le revoir, et lui demanda, en l'embrassant
quel vœu pour le Pèlerinage il avait fait. Ali (Psl) répondit : " J'ai fait
le vœu d'accomplir le même Pèlerinage que Le Prophète (Pslf) quoi qu'il arrive,
et j'ai amené trente-quatre chameaux pour le sacrifice ".
Le Prophète (Pslf) s'écria joyeusement : " Dieu est le plus grand ", et
dit qu'il en avait amené soixante-dix. Et ajouta qu'il (Ali) serait son
partenaire dans tous les rites du Pèlerinage et dans le sacrifice. Ainsi, Ali
(Psl) accomplit donc le Grand Pèlerinage avec Le Prophète (Pslf).
Etant donné que les différences, cérémonies devaient constituer des modèles à
suivre dans l'avenir, Le Prophète (Pslf) observa rigoureusement chaque rite,
soit conformément aux Révélations faites à cet égard, soit selon l'usage
patriarcal.
Ainsi, lorsqu'on amena les chameaux
à offrir en sacrifice, lui et Ali se mirent à abattre conjointement les cent
chameaux qu'ils avaient apportés. Et quand on prépara un repas avec la viande
des chameaux sacrifiés, Le Prophète (Pslf) s'assit avec seulement Ali, et
personne d'autre, pour le partager.
Les cérémonies du Pèlerinage prirent fin avec le rasage des chevaux et le
coupage des ongles après le sacrifice des animaux. L'habit du Pèlerinage fut
alors ôté et une proclamation fut faite par Ali, monté sur la mule du Prophète,
Duldul, levant les restrictions du Pèlerinage.
A la clôture du Pèlerinage, Le Prophète (Pslf) informa le Calendrier,
abolissant l'intercalation trisannuelle et faisant l'année purement lunaire,
consistant en douze mois lunaires, ce qui permit de fixer le mois du Pèlerinage
selon les saisons changeants de l'année lunaire.
Le Sermon de Ghadîr Khum
Faisant ses adieux à sa ville natale, Le Prophète (Pslf) quitta la Mecque pour
Médine le 14 Thul Hijja. Sur la route, le 18 Thul Hijja, il ordonna qu'on fasse
halte à Ghadîr Khum, une région aride aux abords de la vallée de Johfa, à trois
étapes de Médine, après avoir reçu la révélation suivante: "
Prophète ! Fais connaître ce qui t'a été révélé (Ici allusion
est faite au Commandement contenu dans la sourate al-Charh qui dit:
Au nom d'Allah, le Tout
Miséricordieux, le Très Miséricordieux
(1)
N'avons-Nous pas ouvert pour toi ta poitrine ? (2)
Et ne t'avons-Nous pas déchargé du fardeau
(3)
qui accablait ton dos ?
(4)
Et exalté pour toi ta renommée ?
(5)
A côté de la difficulté est, certes, une facilité !
(6)
A côté de la difficulté est,
certes, une facilité ! (7)
Quand tu te libères, donc, lève-toi,
(8)
et à ton Seigneur aspire.
Dieu a commandé au Prophète de désigner son successeur par ton Seigneur.
O Messager, transmets ce qui t'a été descendu de la part de ton Seigneur. Si tu
ne le faisais pas, alors tu n'aurais pas communiqué Son message. Et Allah te
protègera des gens. Certes, Allah ne guide pas les gens mécréants."
(Sourate al-Mâ'idah, verset 67).
A présent, ayant reçu ce Commandement, il décida de l'annoncer sans aucun
retard.
Aussi fit-il halte sur le lieu même où il reçut le rappel. Le terrain étant
déblayé, une chaire fut formée de selles de chevaux, et Bilâl, le Muezzin,
s'écria à haute voix : gens, accourez à la meilleure des actions. Et une fois
les gens rassemblés autour de la chaire, Le Prophète (Pslf) se leva prenant à sa
droite Ali, dont le turban noir à deux bouts suspendus sur ses épaules avait été
arrangé par Le Prophète (Pslf) lui-même.
Le Prophète (Pslf) loua tout d'abord Dieu, puis s'adressant à la foule, il dit :
" Vous croyez qu'il n'y a de dieu que Dieu, que Mohammad (saw) est Son
Messager et Son Prophète, que le Paradis et l'Enfer sont des vérités, que la
mort et la Résurrection sont certaines, n'est-ce pas ? "
Ils répondirent tous "Oui, nous le croyons".
Il les informa
alors qu'il serait rappelé bientôt par son Seigneur, puis il prononça cette
adjuration : " Je vous laisse deux grands préceptes dont chacun dépasse
l'autre par sa grandeur: ce sont le Saint Coran et ma sainte progéniture (dont
les membres inéchangeables sont : Ali, Fatima, Hassan et Husayn). Prenez garde
dans votre conduite envers eux après ma disparition.
Ils ne se sépareront pas l'un de l'autre jusqu'à ce qu'ils reviennent auprès de
moi, au Ciel, à la Fontaine de Kawthar".
Et ajouta : "
Dieu est mon Gardien et je suis le gardien de tous les croyants".
Ali déclaré successeur du Prophète (Pslf)
Ce disant, il prit la main d'Ali (Psl) dans sa main, et la levant haut, il
s'écria : " Celui dont je suis le maître, Ali aussi est son maître. Que Dieu
soutienne ceux qui viennent en aide à Ali et qu'IL soit l'ennemi de ceux qui
deviennent les ennemis d'Ali ".
Ayant répété cette
proclamation trois fois, il descendit de la plate-forme dressée et fit asseoir
Ali (Psl) dans sa tente où les gens vinrent le féliciter.
Après les hommes, toutes les femmes du Prophète ainsi que les autres dames
vinrent féliciter Ali. A la fin de cette cérémonie d'installation, le célèbre
verset suivant du Coran fut révélé au Prophète : "
Aujourd'hui, j'ai perfectionné
votre religion et j'ai parachevé Ma grâce sur vous; j'agrée l'Islam comme étant
votre Religion " (Sourate al-Mâ'idah, verset 3).
Le Prophète (Pslf) se prosterna en signe de gratitude.
La Signification d'Ahl-ul-Bayt Expliquée
L'expression "ma progéniture" mentionnée dans l'Adjuration signifie les saintes
personnes désignées par le verset coranique suivant :
" Je ne vous demande aucun
salaire pour cela, si ce n'est votre affection envers mes proches "
(Sourate al-Chûrâ. verset 23).
A la révélation de
ce verset on avait demandé au Prophète de nommer les personnes dont l'amour
était commandé. Il nomma : Ali, Fatima, al-Hassan, al-Husayn. Les gens le
soupçonnèrent alors d'avoir nommé ses chers proches afin qu'ils soient
considérés avec la crainte et le respect dus après sa mort.
C'est à propos de la fidélité, de l'amour et l'obéissance envers ces
personnes-là que les gens seront interrogés le Jour du Jugement, lorsqu'il sera
demandé à chacun comment il s'est conduit envers elles, comment il a défendu
leur cause et comment il a soutenu leurs intérêts.
Ce sont les personnages déclarés purifiés et exempts de toute impureté. Lorsque
le verset coranique : " vous, les Gens
de la Maison ! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous
purifier totalement " (Sourate al-Ahzâb, verset 33)
fut révélé au Prophète, il se mit sous un manteau avec Ali, Fatima, Hassan et
Husayn, et déclara que sa Maison (Famille) consistait en ces personnes seulement.
Um Salma, sa femme,
dans la maison de laquelle la révélation était descendue, lui demanda d'être
incluse dans le groupe sous le manteau, mais elle essuya un refus poli. Depuis
ce jour-là le dit groupe reçut le surnom d'Açhdb al-Kisb (Les cinq du manteau).
Ce sont ces personnes que Le Prophète (Pslf) compara au Bateau de Noé, dans
lequel ceux qui avaient embarqué furent sauvés, alors que ceux qui avaient
cherché secours ailleurs que dans ce Bateau furent noyés. Ces personnes
faisaient partie intégrante de la Lumière Céleste dont fut créé Le Prophète (Pslf).
Ali était le seul homme qui pouvait prétendre à une connaissance minutieuse du
Coran. Il proclama tout haut qu'il invitait tout un chacun à lui demander quand,
où et à quelle occasion chaque verset du Coran avait été révélé au Prophète, et
la fameuse déclaration :
" Je suis la Cité du Savoir, Ali en est la Porte " ne peut que confirmer
cette affirmation d'Ali. Il en était de même pour al-Hassan (Un noble exemple de
la générosité d'Al-Hassan et de son ardeur à satisfaire Dieu en accomplissant
toutes les vertus mentionnées dans Ses commandements, se trouve dans le récit
suivant, entre des milliers d'autres relatifs aux Saints descendants du Prophète:
"Un serviteur d'al-Hassan Fils d'Ali fit tomber sur son maître un plat bouillant
alors qu'il s'asseyait à table. Craignant la colère d'Al-Hassan, il tomba sur
ses genoux et se mit à répéter ces mots : "Le Paradis est pour ceux qui
refrènent leur colère".
Conclusion en faveur d'Ali tirée de la Parole du
Prophète (Pslf)
Le lecteur se rappelle sans doute les précédentes occasions lors desquelles Le
Prophète (Pslf) déclara Ali son successeur, tout d'abord le jour où il se
proclama publiquement Messager de Dieu en disant : " fils d'Abdul-Muttalib !
Dieu n'a jamais envoyé un Messager sans qu'IL ait désigné en même temps son
frère, son héritier et son successeur parmi ses proches parents"; et ensuite
lorsqu'il déclara qu'Ali " est à lui ce que Harûn fut à Mussa".
Ces propos du Prophète n'étaient pas une simple opinion personnelle qu'il
exprimait, comme en témoignent ces versets coraniques : "Il
ne parle pas selon son désir; mais exprime les Commandements qui lui sont
révélés" (Sourate al-Najm, 3-4).
Cela signifie que
lesdits propos étaient conformes aux Commandements de Dieu. Et cette dernière
déclaration faite devant des milliers de gens était conforme aux précédentes
déclarations, qui n'avaient jamais été retirées ni abrogées pendant une période
d'une vingtaine d'années.
Se fondant sur ce qui précède, une grande partie des Musulmans considéra Ali (Psl)
comme étant sans aucun doute le successeur choisi et désigné du Prophète depuis
le début de sa mission prophétique.
A cette dernière occasion, il eut la distinction d'être pour les musulmans ce que Le Prophète (Pslf) était pour eux : à savoir que Ali devait être traité en remplaçant (successeur) du Prophète après sa mort.
Chah Hassan Jaisi, un mystique sunnite a bien expliqué la signification du terme "Mawlâ" dans sa stance qui peut se traduire ainsi: " Vous courez ça et là pour chercher le sens de "Mawlâ". Eh bien ! Ali est "Mawlâ" dans le même sens que Le Prophète (Pslf) est "Mawlâ".