« A tes ordres ô Hussein, à tes
ordres ô Hussein… » Ces mots résonnent encore dans nos esprits.. en fermant
les yeux, seules apparaissent les images de la foule marchant avec conviction,
oubliant tout, jusqu’à même la douleur, avec pour seule motivation l’amour de
l’Imam al-Hussein (Psl)) et de sa famille.
Nous sommes physiquement de retour
mais nous avons abandonné notre âme sur cette route arborée au départ par les
fleurs de la nostalgie, nous séparant de notre Maître Ali (Psl), mais vite
remplacées par les arbres de l’espérance, de l’ardeur et du désir de la
rencontre de son noble fils al-Hussein (Psl).
Sur cette route, un adjectif
disparaît de notre vocabulaire : rationnel ! Des millions de personnes, quittant
leur foyer, venant de tout l’Irak – ou devrais-je dire plutôt des quatre coins
du monde – pour marcher durant 3, 5, 10 ou même 17 jours ! Pour quelle
raison ? Pour présenter leurs salutations le jour d’Arba‘in au Maître des
Martyrs… Ce phénomène est tout sauf rationnel, c’est un miracle !
Avant de vivre cette expérience,
pour moi, le miracle ne résidait que dans la force et la conviction de ces
marcheurs ; cette marée humaine marchant sans relâche, avec pour certains une
poussette ou un enfant dans les bras, d’autres une chaise roulante, un sac sur
le dos ou sur la tête, et certains avec rien ! D’autres sont malades,
handicapés, très jeunes ou très vieux ! Tout cela bien sûr, sans aucune
organisation officielle gérant l’événement comme l’on pourrait le voir lors des
jeux olympiques, des coupes du monde ou tout simplement lors du Hajj. C’est là
qu’opèrent la deuxième partie du miracle et non des moindres…
Le marcheur quitte son foyer avec
toutes ses bonnes intentions mais comment pourrait-il atteindre son but sans
l’aide de tous ces volontaires qui abandonnent travail et obligations, pour
arborer la route de leurs stands dans le seul et unique but de servir le pèlerin
?! Vous y trouvez de quoi vous reposer, vous nourrir, vous rafraîchir, vous
réchauffer, vous soigner… tous les services, et plus encore, dont pourrait
nécessiter le marcheur sont présents sur cette route. Leur dévouement est
saisissant…
Le second soir de notre marche de
trois jours, nous fûmes accueillis par une famille chez elle ; leur maison se
trouvant à dix minutes de la route principale, n’ayant eux-mêmes pas de voiture,
ils eurent recours aux services de deux taxis. Ils nous servirent des mets
qu’ils ne pourraient se permettre de consommer durant l’année et nous offrirent
généreusement leurs matelas tandis qu’ils préférèrent le sol pour leur propre
personne !
Tout ce sacrifice pour nous, de
simples étrangers ! Pourquoi tant d’honneur ? Seulement et uniquement, par Amour
pour notre Imam (Psl) ! Cette famille comme beaucoup d’autres, ne perçoit que de
modestes revenus qu’elle économise durement tout au long de l’année, dans le
seul but de servir les futurs pèlerins… vivons-nous dans le même monde ?!
Nous partageons certes la même
terre mais guère les mêmes valeurs ; les Attributs de Notre Seigneur se
reflètent dans les yeux de ces personnes…
Nous pourrions écrire des heures
durant, parler de cette avalanche d’émotions qui envahit notre coeur quand enfin
notre regard se pose sur le Mausolée du fidèle vicaire Aboul Fadhlil Abbas (Psl)
et ensuite de son noble Frère et Maître al-Hussein (Psl), mais les mots ne
suffiront jamais à exprimer la réalité de cette expérience et des émotions
ressenties. Nous marchons tous sur les pas de notre Imam (Psl).
Et nous avons la chance de le faire
dans le confort, mais quelles étaient les conditions de route de l’Imam Sajjad (Psl),
Bibi Zaynab (P), Bibi Roqayya (P) et de tous les autres…
Comment ne pas ressentir de la tristesse dans cette ardeur et cet amour qui nous
envahissent pendant toute la marche ?
Pour ma part, cette marche n’est
pas un exercice physique, cette marche est une remise en question de notre mode
de vie, de notre système de pensées, de nos valeurs ; cette route est la route
des Hommes libres, affranchis de toute servitude liée à ce monde.
Rien ni personne ne pourrait empêcher ces Hommes de marcher vers notre Maître al-Hussein (Psl) et de purger leur énergie sur cette route pour rallier les rangs de notre douzième Imam (qa) ; c’est un champ où il ne tient qu’à nous d’aller cueillir les fleurs de la réussite, de la félicité, de l’Amour d’Allah (swt) et de Ses Lieutenants, en somme, les fleurs du Paradis… A chacun de vivre sa propre expérience.
[Notre fils, d’un peu moins de quatre ans, nous accompagnait.. Nous craignions ses réactions, mais à notre grande surprise, il fut tout d’abord émerveillé par cette foule marchant munie de drapeaux, avec aux lèvres divers slogans et puis rapidement, il fut bien plus à l’aise que l’on ne l’aurait imaginé ! Lui aussi, tantôt marchant drapeau à la main, tantôt récitant des élégies et se frappant la poitrine, imitant ainsi ses ainés. Bien sûr, tout cela alterné avec de longues pauses dans la poussette pour retrouver un peu d’énergie et parfois pour mieux observer la marée humaine qui l’entourait. Cette marche a éveillé sa curiosité et, jusqu’à maintenant, il en parle régulièrement, se rappelle des évènements passés, me questionne sur la marche, sur la tragédie de Karbala et parfois me demande même si nous allons de nouveau marcher de Najaf à Karbala… ]
*Source: revue lumières spirituelles / Ecrit par : Kawsar Fatema