Durant les mois de Moharram et de Safar, nous nous
retrouvons dans nos centres afin de commémorer le sacrifice de ceux qui ont été
emmenés de Karbala à Kufa, puis de Kufa à Sham. Il est indéniable que nous
connaissons sur le bout des doigts l’histoire de cette période tragique de
l’histoire de notre religion et tout particulièrement la vie de l’une des
figures les plus emblématiques de l’Islam Chiite, Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle). Alors ne
nous attardons pas sur la vie de Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle). Mettons plutôt en valeur
trois de ses qualités que nous, dans notre volonté de devenir de meilleurs
musulmans que nous le sommes, devrions et avons l’obligation de cultiver en nous.
Quelles sont-elles ? Il y a la patience, ou la persévérance (as-sabr), la
justice et la transmission du savoir.
Parler d’obligation peut paraître excessif aux yeux de certains et pourtant
c’est une chose absolument logique et nous en verrons l’explication en guise de
conclusion.
Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) est un modèle exemplaire lorsqu’on évoque la question de la
patience et de la persévérance. En effet, toute sa vie n’est qu’une succession
d’épreuve extrêmement dure, depuis la perte de sa noble mère, en passant par le
massacre de ses proches à Karbala jusqu’à son emprisonnement à Sham. Elle a dû
faire preuve d’une patience et d’une persévérance hors du commun, restant ainsi
fidèle à l’enseignement de son noble père Ali
(Que la Paix de Dieu soit sur lui). Il disait en effet :
"Soyez patients dans les moments critiques et contentez-vous lors du malheur."
Dans les prisons de Sham, même incapable de se lever, Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle)
ne manquait pas une seule de ses prières, pas seulement celles qui étaient
obligatoires mais aussi celles qui ne l’étaient pas.
La vie de Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) est pour nous une véritable leçon de patience et
de persévérance mais c’est aussi une invitation à la foi et à la confiance en
Allah (swt). Même dans les pires moments de la vie, il est indispensable de
continuer à croire en Allah (swt), de Le remercier et de se prosterner devant
Lui car comme il est dit dans le Saint Coran dans la sourate al-Baqarah au
verset 153 :
"Ô les croyants ! Cherchez secours dans l’endurance et dans la Prière. Car Dieu
est avec ceux qui sont endurants."
Comme un sage de notre communauté avait coutume de le dire, Dieu est là pour
ceux qui n’ont personne. Et lorsque toutes les portes se referment devant nous,
lorsqu’il n’y a plus aucune issue, en faisant appel à Lui, des portes vers
lesquelles nous n’aurions jamais porté attention s’ouvre toute grande devant
nous.
Ainsi la patience n’est pas qu’une vertu nécessaire lorsque nous faisons face à
des épreuves importantes parfois tragiques, tout au long de notre existence,
comme lors du décès d’un proche, de graves problèmes financiers ou encore une
maladie grave. C’est aussi une qualité indispensable dans notre vie quotidienne.
Les exemples ne manquent pas et certaines attitudes sont réellement choquantes.
Regardez attentivement autour de vous, regardons comment nous agissons et vous
vous en rendrez compte de la bêtise de notre comportement. Ce qui est finalement
affligeant c’est le fait que nous avons oublié que c’est cette persévérance et
cette patience qui rend notre existence et nos relations humaines plus décentes.
L’autre qualité que je voulais mettre en valeur c’est le sens de la justice de
Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle). De Karbala à Kufa, puis de Kufa jusqu’à Sham,
Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) n’a eu de cesse de dénoncer l’injustice que Yazid était en train
d’incarner. C’est pour les valeurs véritables de l’Islam et en particulier pour
la justice qu’elle a consenti ces terribles sacrifices à Karbala. N’oublions
jamais que la vision que la majorité des soi-disant pratiquants renvoient de
l’Islam ne représente en rien la réalité des valeurs islamiques. Et cette
réalité dérange parfois car elle vous oblige à considérer avec respect le monde
qui vous entoure, les gens qui nous entourent (même ceux que vous n’aimez pas)
et même la nature.
Ceux qui soutiennent la philosophie défendue par l'Imam al-Hussein
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) doivent eux
aussi avoir ce sens de la justice, pour eux-mêmes et pour les autres, et ont
l’obligation de dénoncer l’injustice, même la plus banale, lorsqu’elle a lieu
devant nos yeux. La Voie de l'Eloquence est une compilation des plus grands discours,
enseignements et prêches de l'Imam Ali
(Que la Paix de Dieu soit sur lui). Dans l’un de ces discours,
notre Imam
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) disait qu’il y a trois formes d’injustice : une injustice impardonnable,
une injustice commise par un individu contre lui-même et une autre dont nous
aurons à rendre compte. Associer une créature à Dieu est l’injustice
impardonnable et celle dont nous aurons à rendre compte est celle commise par
des hommes contre d’autres hommes.
Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) nous enseigne à travers sa vie qu’il est de notre devoir de
lutter contre cette dernière forme d’injustice. Les discours de Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) à Kufa puis à Sham en sont la démonstration. Nous commettons tous les
jours, sans même nous en rendre compte, des actes d’injustice contre nos frères
et soeurs musulmans, nos parents ou les personnes qui partagent notre existence.
Or n’oublions pas que nous aurons à rendre compte de nos actes. Et sans le
pardon de tous ces êtres que nous avons blessés nous ne pouvons espérer la
clémence divine. L’injustice ce n’est pas seulement la médisance, les faux
témoignages ou les paroles blessantes mais c’est aussi notre silence devant un
acte injuste dont nous sommes les témoins. L'Imam Zein Al Abidine
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) , dans
les Cantiques du Sajjad, nous demande de réfléchir à cette question à travers cette
prière :
"Mon Dieu, je te demande de m’excuser pour tout opprimé, victime d’une injustice
en ma présence et que je n’ai pas secouru, pour toute personne qui m’a rendu
service et que je n’ai pas remercié, pour tout malveillant à mon égard qui s’est
excusé auprès de moi et que je n’ai pas pardonné, pour tout indigent qui m’a
sollicité et que je n’ai pas préféré à moi-même [...], pour tout défaut d’un
croyant qui m’est apparu et que je n’ai pas caché, pour tout péché auquel j’ai
été exposé et que je n’ai pas abandonné [...]"
A nous donc de rester sensible à toutes ces formes d’injustice, d’éviter, tant
bien que mal, de les faire et surtout d’empêcher les autres de les commettre.
Comme nous pouvons le lire dans la sourate al-maidah au verset 5 :
"Soyez justes ! La justice est proche de la piété. Craignez Dieu ! Dieu est bien
informé de ce que vous faites."
Il y a une dernière qualité de Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) qui doit nous inspirer : la
transmission du savoir. Cette figure illustre de l’Islam était réputée pour son
érudition et pour sa grande sagesse. Un jour, durant sa jeunesse, son père lui
demanda de dire "un". Elle répéta "un ". Il lui demanda de dire "deux ". Mais
elle refusa de répondre à cette demande. Son père lui demanda la raison de ce
refus. Elle répondit alors qu’une langue qui prononce l’unicité ne peut pas
prononcer deux. Cette anecdote n’est là que pour vous faire sentir le degré de
clairvoyance et d’éveil de cette femme qui a eu pour professeur celui que toute
la communauté islamique, de manière unanime, appelle "La Porte du Savoir".
Quand elle vivait à Médine, puis à Kufa durant le califat de son père, toutes
les femmes avaient coutume de se tourner vers elle pour trouver des réponses à
leurs interrogations. Elles organisaient des classes où elle transmettait son
savoir. Si tel était le savoir de la fille, il est facile d’imaginer l’étendu et
la somptuosité du savoir de notre Imam Ali
(Que la Paix de Dieu soit sur lui). Avant même de parler de
transmission de savoir, parlons de son acquisition. Le Saint Prophète
(Que la
Paix de Dieu soit sur lui et sur sa famille) a dit :
"Un croyant obtient après la mort la récompense du fait de trois choses : la
science qu’il a acquise puis enseignée aux autres ; l’enfant ayant acquis la
piété par lui ; le livre qu’il a écrit et que d’autres peuvent employer après sa
mort."
L’acquisition du savoir est un devoir pour tous, que l’on soit un homme ou une
femme. Ce savoir ne se réduit pas seulement au savoir de ce monde comme les
mathématiques, la médecine, l’économie ou tout autre discipline. Mais c’est
aussi le savoir islamique qui permettra à chacun d’entre nous de mieux
comprendre notre religion et donc de la pratiquer de manière plus consciente et
plus juste. Soyons clairs, le fait d’être une femme au foyer n’est en aucun cas
un prétexte pour refuser ou interdire l’accès au savoir. Ce sont des femmes
éduquées qui feront de notre communauté une communauté instruite. Ce sont des
femmes pieuses qui en feront une communauté pleine de foi. Ce devoir est
d’autant plus essentiel car, au final, les parents sont les premiers éducateurs
et les premiers guides vers l’Islam de leurs enfants.
On a beau dire que le foyer est le premier lieu d’acquisition du savoir, de
l’apprentissage des valeurs islamiques et du bon comportement, et pourtant,
beaucoup trop de familles échouent dans cette mission par faute de temps, par
ignorance ou tout simplement par négligence. C’est une véritable injustice à
l’égard des enfants et nous aurons à en rendre compte devant notre Créateur.
C’est justement là que la madressa tente de combler ce savoir que les parents ne
peuvent transmettre. Aussi, à défaut de pouvoir édifier nous-même l’éducation de
l’âme de nos enfants, faisons l’effort de les amener au madressa afin que nos
enfants puissent apprendre et découvrir les valeurs pour lesquels Hazrat Zeinab
(Que la Paix de Dieu soit sur elle) et l'Imam al-Hussein (Que la Paix de Dieu soit sur
lui) ont tant sacrifié.
Cultiver la patience et la persévérance sera une source de succès dans ce monde
et dans l’autre. Mais ce succès passe nécessairement par le développement d’un
sens plus aigu de la justice. Et le succès ne sera total que si nous sommes
instruits et que nous transmettons notre savoir aux générations à venir afin
qu’ils gardent vivant la flamme de l’Islam dans les coeurs. Encore une fois, les
pères et encore plus les mères ont une très grande responsabilité car elles sont
nos premières madressas.
C’est une obligation et un devoir pour chacun d’entre nous car nos
commémorations de Muharram sont un véritable renouvellement de notre serment
d’allégeance à l’égard de Dieu et de la cause qu’l'Imam al-Hussein
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) a défendu.
Avant de se jeter dans la bataille au matin du 10 Muharram, l'Imam al-Hussein
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) lança cet appel :
"N'y a-t-il là personne pour nous aider"
Nous devons être conscients que cet appel nous était destiné. Et il est tant que
nous regardions en face nos responsabilités vis-à-vis de notre serment. Pour
terminer, remémorons nous ce passage de la Visite Pieuse de Wareth :
"Et j’ai pris à témoin Allah (swt), Ses anges, Ses prophètes et Ses messagers du
fait que je crois en l'Imam al-Hussein
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) et dans le fait que c’est vers Allah
(swt) que je retournerai. J’ai également foi dans les lois d’Allah (swt) et dans
les conséquences des actions humaines. J’ai assujetti les désirs de mon coeur à
ceux de l'Imam al-Hussein
(Que la Paix de Dieu soit sur lui) et je me soumets sincèrement à lui et promets de
suivre ses commandements."
C’est sur ce serment que nous répétons tous les jeudis soir que nous vous
invitons à méditer et à prêter attention aux traductions des douas, prières et
zyarat que nous lisions tous les jours.