Les rapports de sa police ne laissaient pas de préoccuper Yazid. Trop de gens
murmuraient contre lui. Trop de rumeurs circulaient à propos du sort cruel qu'il
avait infligé à la Famille du Prophète. Des femmes allaient même jusqu'à traiter
de lâches leurs maris parce qu'ils ne s'opposaient pas au tyran.
Yazid avait perdu le sommeil. Il craignait maintenant sérieusement d'être
renversé. Malgré presque cinquante ans de présence omayyade, malgré un quart de
siècle de pouvoir absolu, aux mains de son père d'abord, ensuite entre les
siennes, malgré tous les efforts déployés pour inculquer aux masses la haine de
la Famille du Prophète, d'Ali, de Hassan, d'al-Hussein, malgré la crainte, à
défaut d'amour; qu'éprouvaient les gens pour les descendants d'Abou Soufiane,
malgré tout cela, dans son fief de Damas, Yazid tremblait pour son trône!
Alors il décida de faire sortir de prison les survivants du massacre. Il affirma
publiquement qu'on l'avait trompé, qu'al-Hussein n'était pas aussi rebelle
qu'on le lui avait dit.
Il jura que jamais il n'avait ordonné qu'on tue le petit-fils du Prophète et que si lui, Yazid, avait été présent à Karbala, il n'aurait pas permis qu'on lui fasse ce qu'on lui avait fait.
Il offrit à Ali
Zayn Abidine, à Zaynab, à Kolsoum, à toutes et à tous de leur donner tout ce
qu'ils pourraient souhaiter. La seule chose qu'Ali Zayn Abidine et les Gens de
la Maison du Prophète demandèrent fut qu'on leur restitue les pauvres biens
qu'on leur avait volés. Ils emportèrent avec eux ces reliques, et aussi les
têtes des Martyrs.
Voyageant de nuit, et accompagnés d'une escorte qui éloignait d'eux tous les
importuns, ils revinrent sur le lieu du Sacrifice, dans la plaine de Karbala.
Ils enterrèrent les têtes auprès des corps des Martyrs. Des pasteurs nomades
avaient vaguement recouvert de sable les cadavres mutilés, et un Compagnon du
Saint Prophète, Jaber fils d'Abdallah Ansari, leur avait donné une véritable
sépulture.
L'Imam Ali Zayn Abidine, et les femmes et les enfants de la Famille du Prophète,
regagnèrent ensuite Médine. Ils y arrivèrent le 8 du mois de Rabioul-Awwal de
l'an 61 de l'hégire...
Médine qu'ils avaient quittée six mois et demi plus tôt, le 28 Rajab de l'an 60, derrière l'Imam al-Hussein.